Les Groupes de réflexions d’Athéna

Les Groupes de réflexion d’Athéna  (GRA) entendent contribuer à la réflexion stratégique en France et souhaitent être force de propositions pour accompagner la prise de décisions des décideurs publics et privés, d’aujourd’hui et de demain. Avec des regards croisés indépendants, ils constituent un des éléments forts de visibilité, de reconnaissance et de légitimité de notre association. 

Participer à un groupe de réflexion est un engagement sur le temps long, pour plusieurs mois, ponctué de réunions périodiques, de recherches documentaires et d’entretiens. Il débouche sur la rédaction d’un rapport final et d’articles en lien avec ce dernier.

Il s’agit d’une opportunité pour rencontrer des experts de haut niveau, être force de propositions et participer à des événements afin de valoriser les réflexions portées par les membres de l’association, à travers les GRA.

Les GRA sont une belle aventure : ils participent du rayonnement de notre association, de la communauté IHEDN et, plus encore, de l’Esprit de défense !

À la suite des réponses reçues à l’appel à participations de décembre 2023, cinq nouveaux groupes de réflexions ont été lancés en janvier 2024. 

La liste ci-dessous décrit le premier cadrage des sujets retenus, qu’il appartient aux groupes constitués de préciser et d’aménager éventuellement.

Ces rapports sont publiés et présentés aux Entretiens Armement et Souveraineté annuels.

Pour le comité éditorial de 3AED-IHEDN,  Jacques BONGRAND (CHEAr 25e)

Les rapports issus des travaux des Groupes de réflexion d’Athéna  sont en ligne sur notre site Internet. Ils sont consultables gratuitement dans la rubrique « Rapports de GRA ».

Groupes de réflexion 2024

Géostratégie et souveraineté

Sujet 1 : Un nouvel ordre du monde: quelle évolution des institutions internationales pour la défense ( Intervenant Gérard DUGARD )

Le démantèlement de l’Union soviétique et la dissolution du Pacte de Varsovie avaient pu faire croire à la « fin de l’Histoire » (Fukuyama), marquant la victoire de la démocratie et du libéralisme.

En ce premier quart du XXIème siècle, des puissances établies ou émergentes contestent, y compris par la force, une organisation et une gouvernance du monde dominées par « l’Occident» (au sens large, y compris Japon, Australie…), entraînant d’autres États du « Sud global». 

Elles promeuvent un nouvel ordre mondial, en proposant des alternatives aux institutions actuelles.

Ce mouvement est illustré par des événements tels que le partage des positions prises par les États membres des Nations Unies sur le conflit en Ukraine et, plus récemment, sur la situation à Gaza; le retrait de la Russie, en juin 2023, du traité sur les forces conventionnelles en Europe; l’accord des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), en août 2023, pour intégrer six nouveaux pays: Arabie saoudite, Argentine, Égypte, Émirats arabes unis, Éthiopie, Iran.  

Questions:

  • Quels enseignements tirer du fonctionnement des institutions actuelles dédiées à la sécurité internationale ?
  • Dans le contexte attendu de cette recomposition et réorganisation du monde, au-delà des aspects purement politiques et économiques, quelles évolutions prévoir ou proposer en matière de défense (organisations multi et internationales ou régionales, alliances, coalitions, partenariats stratégiques, accords de défense bilatéraux…) et d’armement (coopération, interopérabilité, exportation, contrôle, désarmement…) ?
  • Plus particulièrement, quelle place pour la France ou l’Europe ?


Économie de défense

Sujet 2 : Avenir d’une Europe de la défense dont les intérêts peuvent ne pas coïncider avec ceux des États-Unis ( Intervenant Saâd AQEJJAJ )

L’avenir de l’Europe de la défense a fait l’objet de nombreux travaux, mais reste une question stratégique d’une grande complexité, objet de nombreuses controverses et soumise à l’influence des événements qui se succèdent.

Ce concept d’Europe de la défense ou de défense européenne, pour lequel il n’existe sans doute pas aujourd’hui de définition communément admise, a du mal à se concrétiser. De nombreux pays européens comptent essentiellement sur l’Alliance atlantique et la puissance militaire des États-Unis pour assurer la défense de l’Europe.

Les travaux sur la boussole stratégique (document stratégique de l’Union européenne à l’horizon 2030,) avaient été lancés dans la période d’incertitude qu’avait suscité le précédent président des États-Unis en remettant en cause la garantie de sécurité que l’OTAN procure au territoire européen. 

Les alliés européens de l’OTAN semblent aujourd’hui rassurés par le président actuel et la réaffirmation de la couverture de l’OTAN, si bien que leurs ambitions pour la sécurité de défense européenne sont devenues moins évidentes.

Pour autant, les prochaines élections présidentielles américaines pourraient provoquer un retour vers les positions antérieures. Plus généralement, les intérêts stratégiques des Etats-Unis ne coïncident pas toujours avec ceux de l’Union européenne, alors que des crises sont aujourd’hui à nos portes avec les conflits en Ukraine et au proche Orient. 

Questions

  • Quelles marges de marges de manœuvre et d’autonomie en matière de sécurité et de défense l’Union européenne doit-elle s’attacher à conserver pour la gestion de crise ? Quelles priorités retenir et quelle coordination avec l’Alliance atlantique ?
  • Dans quelle mesure l’Union européenne peut-elle s’affranchir des contraintes d’approvisionnement de ses équipements militaires auprès de pays extérieurs? 
  • Quelles mesures prendre en conséquence pour développer sa base industrielle et technologique de défense ?


Armements et technologies

Sujet 3 : Comment mieux assurer la sécurité des satellites français ou européens ( Intervenant Alain CRÉMIEUX / Correspondant 3AED ) 

La France, et plus généralement l’Union européenne, disposent d’une importante infrastructure spatiale, vitale en particulier pour des applications de sécurité et défense. Par ailleurs, on constate un nombre croissant d’agissements suspects, dangereux voire hostiles dans le voisinage des satellites, ce qui conduit à embarquer sur certains satellites et utiliser au sol des moyens de perception de leur environnement proche.

À cet égard, le rapport d’un groupe de réflexion d’Athéna présenté en 2020 concluait notamment que « l’arsenalisation » de l’espace est un événement majeur dans l’histoire des conflits, qu’il est possible de rendre nos satellites résilients (jusqu’à un certain point) et que dans le programme « maîtrise de l’espace » qui se met en place des études technico-opérationnelles sont nécessaires et urgentes.

Il s’agit maintenant de réfléchir plus concrètement aux éléments d’une doctrine de défense spatiale.

Questions:

  • Comment définir les zones autour d’un satellite sensible où le rapprochement d’un objet manœuvrant sera jugé potentiellement 1. Suspect, 2. Dangereux, 3. Hostile (probablement différentes selon les satellites et leurs orbites) ?
  • Quels sont les moyens disponibles/à développer pour détecter une intrusion dans chacune des zones précédentes
  • Quelles devraient être les réponses à apporter à une intrusion dans chacune des zones précédentes (éventuellement fonction de la menace crainte) ?

Quels sont les capacités ou armements, disponibles/à développer pour satisfaire ce besoin opérationnel?

Sujet 4 : Impact de l’intelligence artificielle sur les besoins, les comportements et les systèmes d’armes ( Intervenant Sylvain DELAITRE 

Alors que les conflits en Ukraine et au Moyen-Orient relancent la réflexion stratégique sur les modes de combat terrestres, navals, et aériens; alors que la guerre de l’information bat son plein; alors même que l’efficacité de la dissuasion nucléaire est remise en question, une nouvelle révolution se prépare: il s’agit de l’introduction de l’intelligence artificielle (IA) dans tous les champs des activités humaines.

Cette révolution attendue impose une réflexion sur le besoin en nouvelles capacités et infrastructures, l’énergie et l’arbitrage sur les ressources, le comportement des usagers, la nécessité de nouvelles régulations et d’un guide des bonnes pratiques.

Par exemple, la simple observation de la courbe de progression des trois derniers modules de « ChatGPT » (on passe d’un modèle de 100 000 paramètres à un modèle à 3000 milliards de paramètres en seulement un an de développement !) laisse attendre une augmentation tendancielle très importante de la consommation électrique associée. Sachant qu’il y environ 4,5 milliards d’utilisateurs réguliers de l’Internet, que se passera-t-il si une partie significative de ces utilisateurs font plusieurs requêtes «ChatGPT » par jour ?

Dans le domaine des affaires militaires, l’IA combinée à d’autres technologies désormais matures (drones, missiles hypersoniques, armes à énergie dirigée, etc.) bouscule nos certitudes stratégiques, notamment en matière de dissuasion nucléaire.

Questions:

=>  Au plan général:

Faut-il prévoir des limites physiques à l’utilisation de l’intelligence artificielle? Quelles pistes pour des alternatives: régulation forte? Jetons d’utilisation ? Nouvelles architectures et infrastructures ? Nouvelles méthodes d’apprentissage? Réseaux «pseudoneuromorphiques » gravés? Réseaux de «Memistores» ? …

=>  En matière de défense:

  • Quel impact de l’IA sur les systèmes d’armes du futur et quelles conséquences sur le plan stratégique? 
  • En particulier, peut-on mesurer l’effet de l’IA et de l’automatisation en général sur le champ de bataille (alertes hyperrapides, déclenchement de la bulle aéroterrestre, aide à la décision, classification des menaces …) et dans le soutien (maintenance prédictive, jumeaux numériques …)?
  • Convient-il d’envisager, ou pas, un développement substantiel de cette automatisation? Et finalement, quelle part de l’homme et du commandement dans ce nouvel écosystème?

Sujet 5: Quels projectiles pour une artillerie plus performante dans une logique d’économie de moyens ? ( Intervenant Bruno LASSALLE )

Les conflits qui dominent l’actualité, en Ukraine et au Proche Orient, illustrent l’importance des capacités de l’artillerie: précision, portée, mobilité, facilité et rapidité de mise en œuvre. En outre une logique d’économie de moyens s’impose pour tenir dans la durée. 

Parmi les efforts destinés à améliorer ces performances, l’essai réussi d’un obus équipé de statoréacteur a été annoncé en 2022. On peut observer que l’absence de pièces mobiles dans un statoréacteur permet d’espérer une amélioration de la portée à coût modéré par rapport à un obus de base ou une propulsion par fusée. D’autres pistes pourraient sans doute être imaginées.

Questions:

  • Quels enseignements tirés de l’usage dans les conflits récents de l’artillerie (au sens large: incluant obus, roquettes, missiles, drones armés, tirés de la surface) ? En conséquence, quelles capacités ou performances importe-t-il de privilégier pour l’avenir ?
  • Quelles pistes d’amélioration prometteuses peut-on identifier aujourd’hui? En particulier qu’en est-il de l’obus à statoréacteur ?
  • Quels aspects industriels convient-il de prendre en compte?


Groupes de réflexion 2023

Géostratégie et souveraineté

Sujet 1 : La question nucléaire après la guerre Russie-Ukraine

Depuis des années maintenant, les experts du nucléaire réfléchissent en s’appuyant sur une situation stable : neuf pays dotés d’armes nucléaires depuis l’accession au club de la Corée du Nord, un candidat qui n’arrive pas à se faire accepter (l’Iran), aucune percée technologique majeure (sauf peut-être l’hypervélocité et les planeurs orbitaux), pas de prolifération importante dans les Sous-Marins Nucléaires Lanceurs d’Engins (SNLE), pas de nucléarisation de l’espace et pas de gesticulation nucléaire de la part des neuf membres dudit club (sauf un peu la Corée du Nord).

Les pays nucléaires ont pu perdre ou gagner des guerres, mais sans que leur arsenal nucléaire ait joué un rôle (États-Unis en Afghanistan ou en Irak, Israël au Liban, Russie en Géorgie ou en Crimée, France au Mali ou en Libye…).

Au cours de « l’opération militaire spéciale » menée en Ukraine par la Russie, celle-ci n’a pas employé l’arme nucléaire, du moins jusqu’à présent, mais a fait de la gesticulation et évoqué sa capacité nucléaire. En novembre 2022, on ne peut plus exclure avec une certitude comparable à celle qui prévalait auparavant l’utilisation par la Russie (voire par d’autres) d’un emploi tactique de son armement nucléaire.

Questions :

  • Cela change-t-il l’équation nucléaire de notre monde ?
  • Et cela change-t-il celle de notre pays ?
  • La France doit-elle maintenir sa capacité nucléaire sans changement : deux composantes, l’une aéroportée, l’autre sous-marine ?
  • Doit-elle aussi maintenir son discours fondé sur la défense des intérêts vitaux (et leur définition laissée dans le vague volontairement) et sur l’ultime avertissement ?

Économie de défense

Sujet 2 : Une nouvelle approche du maintien en condition opérationnelle

Il est constaté une inquiétude grandissante autour d’une situation qui se pérennise : des niveaux de disponibilité des matériels militaires historiquement faibles en dépit de budgets croissants affectés à leur entretien. Le maintien en condition opérationnelle (MCO) des équipements militaires s’affirme donc comme un enjeu central au sein du ministère des Armées. Il détermine directement la capacité de projection des armées mais également – thème nouveau depuis le conflit ukrainien – la faculté de la France à répondre à des combats de haute intensité.

Questions :

Le groupe cherchera tout d’abord à identifier les origines de cette situation. Par rapport aux nombreux rapports qui ont étudié le sujet, il est proposé une approche inédite : celle de la multidisciplinarité. L’idée étant ici de croiser les raisonnements d’experts militaires, d’économistes, de maîtres d’oeuvres, d’industriels, de juristes, de financiers, etc. dans l’optique d’apporter un regard original.

Au-delà de l’identification des causes, et sur la base de son prisme novateur, le groupe de réflexion ambitionnera de modifier la démarche du MCO actuellement en vigueur au sein du ministère. Plus spécifiquement, ses recommandations pourront notamment porter sur :

  • la structuration et la pérennité de la base industrielle et technologique de défense (BITD) afin d’améliorer la coordination entre la production des «équipements militaires et les demandes des armées de façon à en faciliter l’entretien ;
  • la stratégie de contractualisation du ministère des Armées favorisant, par exemple, la visibilité des industriels sur les besoins des forces à long terme ;
  • la structuration des marchés de défense (en particulier concernant l’opportunité de transformer des marchés de gré à gré en marchés concurrentiels, ou inversement, via l’introduction de prestataires internes à l’instar du Service industriel de l’aéronautique) ;
  • la modification de la comitologie des investissements afin d’adapter son fonctionnement aux contraintes industrielles ;
  • des principes de rationalisation de gestion des stocks des pièces de rechange.


Armements et technologies

Sujet 3 : Les armes de l’influence

Un groupe de réflexion du cycle 2012-2014 Géostratégie et armement au XXIème siècle avait pour thème « Nouvelles armes psychologiques et stratégie d’influence ». Il concluait : « L’heure est donc venue d’élaborer une stratégie globale d’influence française, tant défensive qu’offensive, dans laquelle la défense et l’armement ont toute leur place. »

Dans la revue nationale stratégique 2022, l’influence est érigée en fonction stratégique, volet essentiel à l’expression de puissance. Les techniques d’information (et de désinformation !) et de communication (un des supports majeurs de l’influence, mais pas le seul) ont explosé. Il y a plus de 5 milliards d’internautes dans le monde.

De plus en plus d’États manifestent leur ambition de puissance par des actions dites de « soft power », dont l’influence est une composante. La France possède d’incontestables atouts en tant que puissance d’influence. Dans son récent discours aux ambassadeurs, le président de la République a souligné que la France se doit d’assumer totalement une stratégie d’influence et de rayonnement. Les actions d’influence s’exercent dès le temps de paix. Si nécessaire, pour cadrer le thème, le groupe pourra se concentrer sur les temps de crises ou de conflits (en particulier la guerre hybride, par procuration, de substitution) et le terrorisme.

Questions :

  • Quelle défense face aux actions d’influence adverses ?
  • Quelles capacités et quelles armes d’influence offensives développer? Comment les mettre en oeuvre et par qui (Viginum*, les armées, les ambassades,…) ?
  • Quelles coopérations (européennes) envisager ?

*Le service technique et opérationnel de l’Etat chargé de la vigilance et de la protection contre les ingérences numériques étrangères.

Sujet 4 : Souveraineté, sécurité et technologies numériques

L’écosystème numérique recèle aujourd’hui de multiples vulnérabilités et points de faiblesse. Il est source d’émissions de gaz carbonique (entre 2 à 4% des émissions mondiales, essentiellement dues à la phase de fabrication), de consommation d’électricité et d’eau (la dernière pénurie de composants électronique a commencé avant la crise Covid, à cause des restrictions d’eau dues à la sécheresse à Taiwan), de besoins en terres rares. Les comportements des consommateurs et les nouveaux usages aggravent cette situation.

Quant aux vulnérabilités associées à la conception et à la fabrication des composants matériels, des rapports de 2011 et 2012 mentionnent un pourcentage élevé de contrefaçons et de non fiabilités au sein des composants de l’industrie aérospatiale et de défense aux Etats-Unis. La question de sous-traiter une fabrication de puces électroniques à un fondeur tiers pose la question cruciale de la confiance. Actuellement, le monde entier sous-traite ses technologies de pointe au taïwanais TSMC.

L’Europe ne réalise plus que 6 à 7% de la production mondiale de puces électroniques. Par ailleurs, le risque cyber existe d’abord parce qu’il y a des failles béantes dans les logiciels : au moins 40 nouvelles failles détectées par jour dans le monde (source : gendarmerie), d’où une course sans fin entre faille / détection de faille / patchs de mises à jour … Plutôt que de culpabiliser les utilisateurs finaux (« il ne fallait pas cliquer sur la pièce attachée »), peut-être faudrait-il d’abord assainir l’écosystème de production de logiciels. Tandis que les actes de malveillance ou d’espionnage économique utilisent de multiples moyens : logiciels espions (Pegasus) ou malveillants « grand public », fausses vidéos ou informations « tatouées »…

Questions :

  • A partir d’un état des lieux des faiblesses actuelles (matériels, logiciels, dépendance vis-à-vis de grandes plateformes), peut-on imaginer des stratégies réalistes pour développer:
  • de nouvelles filières matérielles à partir de concepts innovants (pas de conflits historiques) tels que : nanoprocesseurs pour un internet des objets de confiance, microprocesseurs pseudo neuromorphiques dédiés à l’intelligence artificielle, stockage et calcul à base d’ADN, composants et calculateurs quantiques, authentification des images à la source ?
  • Des alternatives aux GAFAM (ou BATX) et aux grands outils de gestion des données ou de renseigement (Palantir…) à partir de sources ouvertes ?
  • Une informatique en nuage (« cloud computing ») souveraine, au niveau français ou européen.
  • Quelles recommandations en conséquence ?


Groupes de réflexion 2022

#1 Géostratégie & Souveraineté

Animateur

Philippe Migault

1.1. Politique de la France dans la zone Indo-Pacifique (Alain Crémieux) 

La France à la suite de Magellan

La France est présente dans l’Océan Indien (La Réunion, les îles éparses, les Terres Australes…) et dans l’Océan Pacifique (Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Clipperton…). Cela lui donne un très grand espace économique exclusif et des bases navales servant de points d’appui à sa Marine. Cela lui donne aussi des responsabilités et notamment celle de défendre ces territoires et leurs voies d’accès.

La France dispose en conséquence, avec les autres membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies, d’une Marine dotée de navires de surface (y compris un porte-avions) et de sous-marins (SNLE et SNA) ainsi que d’une Armée de l’Air et de l’Espace globale.

Cette situation, issue de son histoire et des caractéristiques particulières de la disparition de son empire, est exceptionnelle dans le monde du vingt-et-unième siècle. Dans quelle mesure influe-t-elle sur ses besoins en armements maritimes, aéronautiques et spatiaux ?

1.2. L’influence de la Chine en Afrique (Gérard Dugard)

Les forces armées, sociétés militaires privées (SMP) et l’industrie d’armement chinoises sont les piliers et les vecteurs majeurs de l’influence (soft power) de la République populaire de Chine en Afrique, pour la mise en place des nouvelles routes de la soie. 

Le développement de la marine de guerre chinoise (porte-avions, transports de troupes et de débarquement,… ) participe à la lutte anti-piraterie dans golfe d’Aden, lui permettant de naviguer dans des zones hors des sphères d’influence traditionnelles. A cet égard, l’installation d’une grande base navale à Djibouti, pivot stratégique, offre un accès privilégié au détroit de Bab El Mandeb ainsi qu’à la Mer Rouge et au Canal de Suez. 

Dans cette lignée, la multiplication des accords de coopération militaire en Afrique, par le biais de la formation, la vente et le don d’équipements militaires (armes légères, véhicules, blindés et hélicoptères…) ou encore, la construction d’usines d’armes légères et de munitions, notamment au Soudan, au Zimbabwe et au Mali, sont autant d’exemples de l’extension de la zone d’influence chinoise.

En quête de partenariats gagnants-gagnants sur le plan économique, la Chine est aussi le deuxième contributeur au budget des Opérations de maintien de la paix de l’ONU. Elle fournit, pour l’instant, des contingents limités, principalement non-combattants (génie, santé), des observateurs civils et militaires, afin d’afficher une posture de neutralité.

Sa doctrine, cependant, évolue et semble s’orienter vers l’envoi de contingents de troupes de combat, comme c’est le cas au Sud-Soudan, par exemple, même s’il ne s’agit que de protéger les autres détachements chinois non-combattants. 

Dans le cadre des « nouvelles routes de la soie », la Chine développe des SMP afin de protéger ses chantiers et autres installations. Par exemple, La Beijing DeWe Security Services Limited Company aurait un centre de formation près de Pékin où une ville de combat a été construite. Elle recrute parmi les forces armées et de sécurité chinoises pour l’encadrement de personnels locaux en Afrique. A l’étranger, le groupe installerait deux camps sécurisés, l’un en Centrafrique, l’autre au Soudan du Sud. Il possèderait également un centre de formation au Kenya…

Dans ce qui est (était ?) leur « zone d’influence » , la France ou d’autres États européens (anciennes puissances coloniales) risquent de se trouver en compétition, voire confrontation avec la Chine.

#2 Economie de défense

Animateur : Grégory Chigolet

2.1 Armements interdits (Gérard Dugard)

Quelles évolutions envisageables dans les traités d’interdiction ou de limitation d’armements ?

Charte de l’ONU Article 26 : afin de favoriser l’établissement et le maintien de la paix et de la sécurité internationales en ne détournant vers les armements que le minimum des ressources humaines et économiques du monde, le Conseil de sécurité est chargé, avec l’assistance du Comité d’état-major prévu à l’ article 47, d’élaborer des plans qui seront soumis aux Membres de l’Organisation en vue d’établir un système de réglementation des armements. La convention de Genève fixe le cadre général de l’usage des armements dans la guerre. Des traités ou conventions interdisent certaines armes : chimiques (CICIAC), biologiques (CABT), à sous-munitions (à dispersion)…

La Convention de 1980 sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques comporte 5 protocoles relatifs aux armes à éclats non localisables, aux mines terrestres (antipersonnel ou anti véhicules), aux armes incendiaires, aux armes à laser aveuglantes, aux restes explosifs de guerre. Le Code de conduite de La Haye (HCOC) mène des actions contre la prolifération des missiles balistiques. L’ICAN (Campagne Internationale pour l’Abolition des Armes Nucléaires.) a ainsi fait adopter par l’ONU en juillet 2017 un texte d’interdiction des armements nucléaires, en prolongement du TNP. 

Le traité d’interdiction des armes nucléaires, signé par 84 pays, entrera en vigueur le 22 janvier 2021, après la ratification du 50ème Etat. 

A contrario, le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) a été suspendu en février 2019. La question se pose de la prolongation d’une durée de cinq ans du traité sur les armes stratégiques qui arrive à échéance en 2021.

Le traité sur le commerce des armes a été ratifié (ONU) en 2014. Le commerce de certaines techniques est aussi contrôlé : biens à double usage (Wassemar), missiles (MTCR), …

Des dispositifs de contrôle sont en œuvre : Ciel ouvert 

Le trafic existe. Des organisations terroristes peuvent disposer de ces armes.

Tous les Etats n’ont pas signé ou ratifié ces accords. 

Quel bilan : Enseignements tirés de la mise en œuvre ? Efficacité vis à vis de la prolifération de ces armes diverses ? Impact sur les ventes d’armement (concurrence) ?

Quelles perspectives : Multiplication des signataires ? Universalité ? Autres interdictions : robots armés (armes létales autonomes), cyberarmes, combattant augmenté, armes spatiales, IED (EEI), armes explosives en zones peuplées, missiles hypervéloces… 

#3 Armement & technologies

Animateur : Emmanuel Le Gouguec

3.1. Motorisation future (Mars Chassilian)

Le monde du transport est en train de vivre une révolution à marche forcée : la suppression des véhicules diesel et thermiques à horizon 2035 modifie structurellement l’ensemble de la chaîne logistique. Les fabricants de technologie se développent en Asie, où la production de batterie, la main mise sur les terres rares, et le développement des électroniques déstabilisent un tissu industriel européen (ex : fonderie SAM, injecteurs diesel Bosch Rodez, …). Cette évolution s’accompagne d’un cadre réglementaire contraignant pour la chaîne industrielle des carburants fossiles.

La performance de la BITD s’appuie sur une activité duale, profitant des volumes du civil pour permettre la continuité des activités militaires. Les cycles de développement des programmes d’armement ne sont actuellement pas compatibles avec l’avancée des technologies civiles.

Les limites de la décarbonation ne sont actuellement pas comprises : la performance des applications militaires est directement impactée par les nouvelles solutions en termes de capacité (volume, autonomie, vulnérabilité …).

Dans une vision prospective, quelle motorisation pour les armées à l’heure de l’électrification/hydrogénation des plateformes civiles et la disparition de la base industrielle associée ?

Comment assurer la continuité des opérations en haute intensité lorsque la chaîne industrielle des équipements actuellement mis en service aura disparu ? Est-ce que ce scénario est réaliste ? Quelles sont les alternatives crédibles ?

→ Il est encore possible de rejoindre le groupe de travail en écrivant à gra@aed-ihedn.fr 


3.2. Innovation(s) et cas d’usage (Bruno Lassalle)

L’innovation et, plus généralement, les technologies innovantes sont au cœur des logiques de défense et la supériorité de nos forces dépend de leur exploitation judicieuse dans le but de démultiplier et de diversifier les effets pour surprendre l’adversaire. Des organismes, comme l’Agence de l’Innovation de Défense et les entreprises de la BITD sont des acteurs majeurs de cette démarche. Ils développent des moyens performants et parfois coûteux pour répondre au besoin.

Le monde civil a, de son côté, développé de nombreuses innovations sur des cycles courts ou avec des moyens plus réduits faisant désormais partie de notre quotidien. L’innovation d’usage, orientée sur le client et la mise en forte concurrence, a pu créer des solutions de rupture performantes en associant des technologies existantes (ex : Waze) ou en créant un écosystème ouvert et bouillonnant (ex : Unreal / Metaverse).

Dans le domaine militaire, les récents succès opérationnels de moyens techniquement simples ou s’appuyant sur des moyens civils détournés de leur emploi initial, tels que les drones turcs Bayraktar TB2 ou les actions sur les réseaux sociaux ont également permis de produire des effets aussi importants qu’inattendus.

De nouvelles voies technologiques sont susceptibles d’être exploitées dans l’avenir au profit de la défense. Parmi ces voies, l’exploitation des nanotechnologies peut faciliter le développement d’une robotique militaire miniaturisée, la propulsion par statoréacteur appliquée aux obus d’artillerie peut apporter une allonge des portées avec des munitions sans pièces mobiles ni comburant, enfin la conception de sous-munitions « dronisées » pour l’artillerie peut transformer l’efficacité des frappes par la diversité des effets.

Il est intéressant d’évaluer si ces voies sont réellement prometteuses, dans la mesure où elles sous-tendent une rupture capacitaire capable de provoquer une surprise opérationnelle au profit de ceux qui sauront les développer.

Au-delà des considérations technologiques, quelles sont les recommandations ou les méthodes qui favorisent la construction de cas d’usages pertinents ? Les cas d’application permettront de s’appuyer sur des méthodes innovantes (ex : démarche C-K, design thinking, …).  

→ Il est encore possible de rejoindre le groupe de travail en écrivant à  gra@aed-ihedn.fr 


#4 Ethique & armement

Responsable : Corinne Lagache

4.1. Finance durable & défense (Damien Concé)

Jusqu’à présent, essentiellement des raisons pratiques expliquaient le manque de soutien financier privé au secteur de la défense : lourdeur et imprévisibilité des procédures de marché public, allongement des délais de paiement, incertitude sur le volume final de la commande publique tout au long de l’exécution des contrats, restrictions aléatoires à l’exportation…

Par ailleurs, le recours aux introductions en bourse à Paris était aussi illusoire vu le manque de profondeur du marché boursier hexagonal et le manque d’intérêt des investisseurs internationaux pour les sociétés cotées en France.

A ces limites, qui restent toujours d’actualité, s’ajoute un nouveau péril : l’exclusion des industries de défense des critères de l’investissement socialement responsable. Ce péril qui n’est aujourd’hui effectif que par l’attitude « supra legem » de comités des risques ou de responsables de la conformité KYC/AML, peut trouver rapidement sa consécration dans les normes européennes et nationales.

Comment inclure les notions de « souveraineté et de résilience » dans les critères ISR/ESG/SFDR afin de lever les freins au financement privé des industries de défense et des start-ups duales ?

Quelle alternative à la vente à des groupes étrangers ou à une cotation sur des marchés étrangers (NASDAQ) pour les pépites stratégiques en phase d’industrialisation de leur production (TRL 7+) ?

Les relations entre « finance durable » et « défense » sont, aujourd’hui, pratiquement exclusivement examinées sous le prisme des finances publiques, de la Loi de Programmation Militaire et de la commande publique. Or le développement des innovations civiles de rupture et les contraintes générales des financements privés ont un impact de plus en plus prégnant sur la BITD et une toute nouvelle catégorie d’acteurs économique (Fonds de Capital Risque, Private Equity, Comité des Risques, Agences de Notation ISR/ESG/SFDR …) prennent des décisions pouvant avoir un impact majeur sur la souveraineté et la résilience nationale sans disposer d’une solide culture de « Défense ».

L’objectif initial est de faire rayonner l’esprit de défense dans ces communautés et de les attirer vers les cycles de formation de l’IHEDN grâce au pont constitué par l’étude de thématiques charnières entre leurs pratiques professionnelles et le monde de la défense

L’objectif secondaire est de susciter un débat permettant de poser les principes d’une solution pragmatique et réaliste permettant de lever des blocages concrets au développement de la BITD.

L’effet indirect recherché est de placer 3AED-IHEDN en mesure d’exploiter pleinement ses atouts (imbrication avec la BITD…) et permettre à l’IHEDN d’investir le champ de la « Finance ».


Groupes de réflexion 2020-2021

#1 Souveraineté technologique & BITD européenne

Responsable : Patrick Michon.
Contact
 :  graed.3aed@aed-ihedn.fr
Groupe de réflexion lancé en janvier 2020.

Souveraineté technologique européenne : mythe ou réalité ?
Autres conditions nécessaires et suffisantes pour l’existence et le développement d’une BITD européenne ;
État de l’art actuel ;
Objectifs à atteindre en 2035, crédibilité de la BITD Européenne à cet horizon ;
Relations avec les autres BITD, co-développements potentiels (USA, Inde, Brésil, Russie, Chine…).

#2 Désengagement US & OTAN

Responsable : Alain Crémieux.
Contact
 :  graed.3aed@aed-ihedn.fr
Groupe de réflexion lancé en janvier 2020.

Impact de la réorientation de la politique US vers le Pacifique et des évolutions de notre environnement plus proche (Turquie…).

#3 La guerre des drones 

Responsable : Dominique Costargent.
Contact
 :  graed.3aed@aed-ihedn.fr
Groupe de réflexion lancé en janvier 2020.

Évolutions des concepts d’emploi, des autres armements… liées à l’arrivée à maturité et la prolifération des drones dans les différents milieux.

#4 Groupe éthique : armement & risques psycho-sociaux 

Responsable : Jacques de Cordemoy.
Contact
 :  graed.3aed@aed-ihedn.fr
Groupe de réflexion lancé en janvier 2020.

Poursuite des réflexions sur éthique et Intelligence artificielle.

#5 Innovation & armement en lien avec l’UNION-IHEDN

Responsables : François Lefaudeux et Jean-Pierre Cornand.
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 :  graed.3aed@aed-ihedn.fr
Groupe de réflexion lancé en janvier 2020.

L’innovation, chance, contrainte ou défi pour la France.

#6 Relire nos rapports une génération après

Responsable : Jean-Pierre Cornand.
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 :  graed.3aed@aed-ihedn.fr
Groupe de réflexion lancé en janvier 2020.

Relire à tête reposée nos rapports… une génération après, de façon à en tirer des enseignements nouveaux, et rapporter alors à ce propos (sur l’évolution dans le temps du même sujet ; sur les acteurs impliqués ; sur la modification des contextes qui influençaient le sujet ; sur les erreurs manifestes, méthodologiques ou de fond, et pourquoi ? sur les problématiques initiées à l’époque particulièrement fécondes, et pourquoi ? etc…).

#7 Menace de l’islamisme

Responsable : J. Le Seac’h.
Contact
 :  graed.3aed@aed-ihedn.fr
Groupe de réflexion lancé en janvier 2020.

Cette nouvelle forme de totalitarisme après le communisme et le nazisme est-elle en train de se répandre comme modèle de civilisation ? Quels sont les vecteurs de l’islamismes comment fonctionnent-il, quelles sont les stratégies de conquêtes, comment fonctionnent-il ? comment convainc-t-il ?

Groupes de réflexion 2018-2020

« Quels partenariats de la France dans le monde islamique »
Responsable : Gérard Dugard.
Lancement en 2018.

Télécharger le rapport « Quels partenariats de la France dans le monde islamique ? ».


« Retour vers le futur » : l’état mondial des BITD en 2035-2040
Responsable : Patrick Michon.
Lancement en 2018.

Télécharger le rapport “Nouvelles Alliances, Nouveaux Conflits. « Retour vers le futur » : les BITD qui seront (peut-être) matures en 2035″.


La guerre dans l’espace
Responsable : Alain Crémieux.
Lancement en 2018.

Télécharger le rapport “Nouvelles Alliances, Nouveaux Conflits. L’arsenalisation de l’espace ».


Groupe éthique : éthique & IA
Responsable : Jacques de Cordemoy.
Lancement en 2018.

Groupes de réflexion 2016-2018

1 – Essai de prospective à long terme (50 ans) dans le domaine de l’armement.

2 – La robotisation des armements

3 – Quelle spécialisation pour l’industrie française d’armement ?

4 – L’Iran : risque ou opportunités ?

5 – Le terrorisme

6 – Les entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD)

7 – La sécurité dans la 3ème dimension

8 – Quelles Forces Spéciales françaises en 2020-2025 ?

9 – La défense européenne post-Brexit


1 – Essai de prospective à long terme (50 ans) dans le domaine de l’armement.

La prospective à 50 ans parait à la plupart d’entre nous difficile, voire impossible. La prospective à 100 ans, a fortiori, s’apparenterait à la science-fiction.

Des efforts en ce sens pour un horizon à 50 ans sont cependant possibles et utiles et même un regard à plus long terme ne serait sans doute pas complètement dénué d’intérêt.

Les développements techniques des dernières décennies s’appuient sur des découvertes fondamentales qui ont toutes été faites avant 1950 et souvent peu après ou autour de 1900 période d’or des Planck (1858-1947), Rutherford (1871-1937), Einstein (1879-1955) ou Marie Curie (1867-1934) et bien d’autres, Maxwell (1831-1879) étant un précurseur. L’électronique date de l’invention de la triode par Lee de Forest en 1906 et de celle du transistor par William Shockley en 1948. Le développement de l’aéronautique repose jusqu’en 1950 sur le moteur à explosion dont l’invention remonte à la fin du dix-neuvième siècle puis sur le réacteur inventé autour de 1940.

L’examen attentif de l’état de la science aujourd’hui devrait donc permettre, de donner des indications pour un avenir très lointain. Les GR des années 1900-1910 auraient pu faire de la prospective à 50 ans, voire 100 ans, même s’ils auraient oublié l’arme nucléaire, pour laquelle le passage de la découverte du principe de la fission à la réalisation de l’arme a été particulièrement rapide. On sait pourquoi !

A titre d’exemples, la biologie d’une part, dont la « re-naissance » date de la découverte de la structure en double hélice de l’ADN en 1953 et le calcul quantique dont on ne sait pas s’il sera possible un jour peuvent être des pistes pour le futur lointain.

L’objet du groupe est donc de distinguer les tendances à long terme de l’évolution des armements à la lumière des progrès actuels de la science.

Pour mémoire, ce sujet a déjà été régulièrement abordé dans le passé, sous des formes plus ou moins proches : un GR de 2008 avait pour thème « Les ruptures technologiques », où il est question de prospective à 50 ans. Dans le cycle de réflexion 2012-2014, le GR « Prospective 2040 rêves de concepts militaires futurs » s’est placé à un horizon de 25-30 ans. Le groupe veillera donc à bien se démarquer de ces travaux antérieurs.

 

2 – La robotisation des armements

Malgré les progrès faits, depuis des décennies et surtout depuis quelques années, dans l’automatisation de la conduite des armements, on ne peut pas dire que les armées actuelles sont « robotisées ». Les drones, qui sont télépilotables, ne sont pas des robots et les nombreux missiles qui pourtant se dirigent automatiquement vers leur cible par différemment moyens, ont encore des procédures de guidage trop simples pour pouvoir être considérés comme des robots. De même le « Félin », s’il permet d’améliorer l’efficacité (et surtout la protection) du fantassin, ne le transforme pas en robot ni ne se constitue lui-même en robot.

Il s’agit donc bien là d’une de ces nombreuses inventions qui, contrairement à d’autres, malgré des progrès évidents en laboratoire, ne se matérialisent pas vraiment encore par des équipements en service.

La question est donc multiple : les robots pénètreront-ils dans les armées, quand et à quel rythme ? Ne seront-ils que des aides au service des combattants et des auxiliaires pour des tâches ancillaires ? Verra-t-on au contraire certains combattants remplacés par des robots autonomes et armés ? Peut-on même imaginer des essaims de robots ?

Les questions éthiques ayant été traitées et pouvant éventuellement continuer à être traitées par ailleurs le groupe se concentrera sur les aspects techniques et opérationnels.

Pour mémoire, ce thème a déjà été régulièrement abordé sous différents aspects : en 2010 (L’éthique des robots) et 2012 (L’homme dans les systèmes de défense).

 

3 – Quelle spécialisation pour l’industrie française d’armement ?

La question de la spécialisation éventuelle, par abandon de certaines activités, est une question cruciale pour la conduite d’une entreprise, et nombreuses sont celles qui n’ont pas su le faire à temps et en ont subi de lourdes conséquences. Il en est de même pour les secteurs industriels dans un pays, avec une difficulté supplémentaire qui est l’absence de centralisation du processus de décision. Il est des secteurs qui ont disparu faute de s’être spécialisés, comme la machine-outil en France ou l’automobile au Royaume-Uni (avec des exceptions évidemment).

L’industrie d’armement française est peu spécialisée. On peut dire, sous bénéfice d’inventaire :

Qu’elle contrôle totalement la filière nucléaire.Qu’elle est présente dans une très grande partie de l’aérospatial militaire : avions d’arme, avions de transport, hélicoptères, satellites, lanceurs, ravitailleurs…Elle a abandonné les gros-porteurs, les avions écoles et les drones, mais a réalisé le Neuron.Qu’elle est présente dans toute la construction navale, des vedettes aux porte-avions et des sous-marins à propulsion classique aux SNA et aux SNLE.Qu’elle est présente, malgré de grosses difficultés, dans le secteur de l’armement terrestre, sauf pour les munitions et les armes de petit calibre.Qu’elle est capable de fournir les poudres et explosifs aussi bien pour les armes que pour les missiles.Qu’elle est enfin présente dans à peu près tous les sous-secteurs de l’électronique (matériels et logiciels), y compris même certains composants.

Ceci, bien sûr, soit seule (comme pour la filière nucléaire), soit en coopération avec les industries européennes similaires, comme pour les hélicoptères.

On peut se réjouir de cette situation. On peut aussi se demander si elle est stable ou si des choix devront être faits dans un avenir plus ou moins proche.

Quels secteurs ou sous-secteurs ? Quand ? Comment ?

Pour mémoire, ce sujet constitue une suite logique au sujet « Technologies de souveraineté » traité en 2016.

 

4 – L’Iran : risque ou opportunités ?

L’histoire des 70 dernières années de l’Iran est une succession de ruptures : en 1946 une tentative de démembrement du pays par l’URSS, en 1953 un affrontement du Premier Ministre Mossadegh avec les compagnies pétrolières anglo-saxonnes ayant abouti à une victoire de celles-ci, à partir de 1973 une occidentalisation à marche forcée orchestrée par le Chah, en 1979 la prise du pouvoir par l’Ayatollah Khomeiny, entre 1980 et 1990 la guerre contre l’Irak, et depuis 2005 les dissensions majeures de l’Iran chiite avec les puissances sunnites, en premier lieu l’Arabie Saoudite ont provoqués des guerres civiles en Irak, Syrie et Yémen.

C’est l’accession potentielle de l’Iran à la puissance nucléaire qui a, de la volonté des USA, relégué l’Iran dans la liste des pays voyous. En 2015, l’abandon de ses ambitions nucléaires a permis le retour du pays dans le concert des nations. Mais cet accord a placé l’Iran au centre du jeu du Proche-Orient, et en fait un acteur incontournable pour un possible règlement des conflits en Syrie et au Yémen. L’Iran est donc au centre du Grand jeu entre la zone indo-pakistanaise, les pays arabo-sunnites et la Russie qui ne partage pas les mêmes objectifs géopolitiques, mais sûrement les mêmes adversaires.

A cette situation géopolitique complexe, plaçant l’Iran en contact avec l’Asie Centrale, dont l’Afghanistan,s’ajoute un quasi-protectorat sur la majorité chiite de l’Irak et un « parrainage » des populations de confession chiite enclavées dans les pétromonarchies à majorité sunnite.

Depuis 10 ans, la place stratégique de l’Iran, face à l’émergence de nouvelles menaces, s’est affirmée. La politique extérieure iranienne se veut plus ambitieuse ; elle a entraîné dans son sillage une industrie locale de défense qui pourrait même devenir un exportateur d’armement.

L’Iran de 2016, malgré l’émergence de troubles politiques intérieurs, veut s’affirmer comme une puissance majeure.

Le GR « Iran » aura à répondre à des questions prégnantes :

Quels sont les atouts et les handicaps de sa société iranienne, de son économie ?Quel rôle joue-t-elle, et est-elle appelée à jouer dans la mondialisation des échanges ?Pourrait-elle, à l’horizon d’une quinzaine d’années, jouer un rôle prépondérant au Moyen Orient ?Dans un monde globalisé, l’Iran et les pays de l’UE individuellement ou en tant qu’unité politique sont-elles des partenaires, des concurrents ?L’Iran, exemple de bonne sortie du statut d’état voyou ?Quel rôle entend-elle jouer dans la diplomatie régionale et mondiale ?L’Iran est-il un gage de stabilité ou un ferment d’instabilité régionale ?L’Iran doit entamer un vaste programme de modernisation de ses Forces Armées, affaiblies par près de 20 ans d’embargo. La France pourra-t-elle accéder à ce marché ?Comment devraient évoluer les relations de la France et de l’UE avec l’Iran en matière diplomatique, économique, industrielle, et en particulier dans le domaine des hautes technologies et l’armement (coopération, partenariat stratégique) ?

5 – Le terrorisme

Les réflexions menées en 2015-2016 par le GR 8 sur le terrorisme d’origine internationale ont débouché sur une analyse d’ensemble, restée générale. Il serait maintenant utile de creuser quelques points clefs en vue de conclusions plus précises.

Une observation majeure est que le terrorisme est un affrontement dans le champ de l’esprit, encore davantage que les conflits asymétriques auxquels nos sociétés ont été confrontées depuis la fin de la guerre froide : l’impact d’un attentat sur la vie de tous et l’opinion des dirigeants est largement supérieur à celui d’actes de guerre ayant fait, dans le passé, des victimes en nombre comparable. La lutte contre cette menace suppose en conséquence une approche spécifique. Ainsi, au-delà des mesures immédiates prises par les autorités en place, des actions en profondeur apparaissent indispensables dans la durée, avec un double objectif : d’une part faire obstacle aux causes premières, aux arguments et moyens utilisés par des organisations malveillantes pour susciter des vocations d’assassins ou de martyrs au sein d’une frange de la population ; d’autre part élaborer des mesures permanentes de vigilance, avec les moyens associés, acceptables pour l’ensemble des citoyens et efficaces contre un ennemi diffus et mal identifié, sans remettre en cause nos valeurs fondamentales. Ce sont ces actions qu’il convient maintenant de définir plus précisément et de rendre applicables.

Or cette définition nécessite d’énoncer au préalable, avec un niveau de détail suffisant, des principes susceptibles de recueillir un consensus large et durable dans la société française compte tenu de son environnement, en particulier européen, et de sa situation démographique : comment concilier l’ouverture au monde et à ses évolutions avec la préservation d’une identité historique à laquelle beaucoup sont légitimement attachés ? Plus concrètement, quelle attitude vis à vis de la diversité des religions et des cultures, des communautés qui se sont constituées de fait ou qui tendent à s’affirmer ? Quel effort demander à nos concitoyens et quelles règles fixer pour l’accueil de réfugiés ou de migrants qui se pressent aux portes de l’Europe ? Comment combiner concrètement liberté, égalité, fraternité, humanité, sécurité laïcité ?

Beaucoup a déjà été dit ou écrit. La réflexion reste à poursuivre pour élaborer ou développer des conclusions opérationnelles. Les anciens du CHEAr peuvent légitimement y contribuer comme tous citoyens. Sur ces bases, ils seront particulièrement bien placés pour formuler des recommandations sur la contribution que peuvent et doivent apporter les institutions et les entreprises du domaine de la défense et de la sécurité. Une attention particulière pourrait être portée à l’Agence européenne de défense. Par ailleurs, les actions envisagées devront naturellement prendre en compte l’évolution encore attendue des technologies et des pratiques dans les domaines de la communication, de la surveillance et du renseignement. Enfin, il conviendra évidemment de tirer les conséquences de la situation internationale et de ses évolutions marquantes qui pourront être constatées au cours de cette étude.

 

6 – Les entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD)

Un rapport parlementaire du 14 février 2012 soulignait que les ESSD sont devenues des acteurs incontournables de la sécurité internationale. La France ne dispose pas d’un secteur de taille comparable aux pays anglo-saxons. Pour autant, des acteurs sérieux et solides existent et les autorités semblent désormais souhaiter l’émergence d’acteurs de grande taille, à même de compter dans la compétition. La protection contre la piraterie maritime a ouvert la voie. En tant que client, l’Etat devra adopter une stratégie d’ensemble pour accompagner la structuration du secteur et légiférer. La France peut construire un modèle qui lui soit propre, susceptible de s’élargir à une approche commune aux Etats européens, pour être en mesure de peser sur l’organisation de ce secteur d’activités stratégique au niveau mondial, en y soutenant les valeurs qui sont les nôtres. Cette démarche relève désormais de l’urgence, alors que le monde avance sans attendre la France.

Quelles missions pour les ESSD à l’extérieur (OPEX, opérations de l’ONU, …) et sur le territoire national (contre le terrorisme,…)

Quels armements pour ces ESSD ?

Quelle organisation industrielle ?

Quelle contribution à l’exportation française (dans le continuum sécurité-défense) ?

 

7 – La sécurité dans la 3ème dimension

A côté des traditionnels avions et hélicoptères, des aéronefs innovants, pilotés ou automatiques (ULM, drones, …), ouvrent des opportunités pour de nombreuses applications aériennes professionnelles (industries, services) ou privées (loisirs, …).

Ces développements multiples dans l’espace aérien peuvent être détournés vers des utilisations malveillantes (aérotransport de drogue, d’immigrés illégaux, libération de prisonniers, survol de centrales nucléaires, …), générer des risques (chutes accidentelles, collision avec des avions de transport, …) et être sources de menaces (attentats terroristes, …).

La réglementation et la législation évoluent ; comment trouver un équilibre entre le développement rapide de ce secteur (industriel et commercial) et le maintien d’un haut niveau de sécurité ? Des réflexions ont été conduites par le SGDSN.

Le contrôle d’accès aux aéronefs est limité aux plateformes publiques (aéroports).

L’armée de l’air est chargée de la « police du ciel ».

Une protection particulière est mise en place pour de grands événements internationaux : conférences (G8, G20, COP21 …), championnats sportifs (Euro 2016…), expositions (une « bulle de protection aérienne » contribuait à la sécurité du salon du Bourget)…

La réponse actuelle, de type défense aérienne, à base d’avions d’armes, de tireurs embarqués sur hélicoptères ou de systèmes sol-air, est à la fois lourde, surdimensionnée ou inadaptée eu égard à de nombreuses situations.

Quelle organisation et quels moyens/systèmes/armements mettre en place pour assurer la permanence et l’ubiquité de la surveillance de la 3ème dimension et de la neutralisation des aéronefs dangereux ?

 

8 – Quelles Forces Spéciales françaises en 2020-2025 ?

Les Forces Spéciales françaises sont parmi les plus performantes au monde avec les anglaises et les américaines notamment. Elles sont de plus en plus largement employées, et s’appuient fondamentalement sur les facteurs foudroyance, furtivité, ingéniosité, souplesse… souvent rendus possible par des technologies de pointe. Quels moyens faut-il leur allouer pour conserver leur rang et leur « coup d’avance » en 2020-2025 ?

 

9 – La défense européenne post-Brexit

La décision historique des Britanniques (ou du moins des Anglais) de quitter l’Union Européenne va-t-elle changer quelque chose aux perspectives, par ailleurs atones, de la défense européenne ? A s’en tenir à des considérations purement factuelles, on pourrait penser que non : le Royaume-Uni ne participait que du bout des lèvres à la construction de la dimension européenne de la défense, voire lui faisait obstruction, et son retrait pourrait donc au contraire ouvrir des possibilités jusqu’ici figées. Mais il était aussi, à part à peu près égale avec la France, la principale puissance militaire européenne, et son départ prive dont l’Union d’un potentiel militaire et industriel de premier ordre.

Pour ce qu concerne ses relations avec la France, il avait fait le choix d’une relation stratégique purement bilatérale, concrétisée par les traités de Lancaster House. Cette relation stratégique ne devrait pas être affectée par le brexit, au moins en première instance.

Cependant, le départ du Royaume-Uni va avoir des conséquences de grande portée, qui vont créer un tout nouveau contexte général pour les relations politiques, économiques et industrielles entre ce pays et le reste des partenaires au sein de l’Union. Le secteur de la défense ne pourra y échapper.

Quelles sont les perspectives ? Le brexit marque-t-il la fin définitive du projet européen en matière de défense, ou au contraire ouvre-t-il des opportunités nouvelles à saisir ? Comment réorganiser les relations stratégiques, militaires et industrielles avec le Royaume-Uni dans ce nouveau contexte ? Quel peut-être l’impact sur nos relations avec le reste de nos partenaires significatifs au sein de l’Union, c’est-à-dire pour l’essentiel l’Allemagne et l’Italie ?

Telles sont quelques-unes des questions, non limitatives, que le groupe de travail sera invité à explorer.