La guerre dans l’espace ! Un sujet qui est d’actualité bien qu’il ne soit pas nouveau. On se souvient de l’interception d’un satellite en 1985 par un missile ASAT tiré d’un F15 américain et de la riposte soviétique (sans interception) : un missile antisatellite mis sous un Mig 31D en 1987. Il faut aussi se souvenir que, du temps de la guerre froide » certains satellites soviétiques avaient été équipés de charges explosives avec détecteurs de proximité et que la station Almaz était, elle, équipée d’une mitrailleuse. Mais, ces équipements n’ont jamais été utilisés ou même instal- lés en grandes quantités.
Ce n’est pas non plus d’aujourd’hui que le segment spatial de nos armements est considéré comme un élément important de notre autonomie stratégique. L’impossibilité de joindre nos forces pendant l’opération de Kolwezi, en 1978, avait convaincu nos dirigeants de la nécessité de disposer de satellites nationaux de télécommunication. La disponibilité d’un segment spatial indépendant a été essentielle lorsque s’est posé la question de participer à la seconde guerre du Golfe, en 2003, ou d’y opposer un veto au Conseil de sécurité des Nations unies. Aujourd’hui les systèmes spatiaux sont aussi nécessaires aux opérations militaires qu’aux activités civiles et même individuelles.
La multiplication des Opex1, en ce début de vingt-et-unième siècle, ne fait que renforcer la valeur stratégique des satellites, qu’il s’agisse de satellites de télécommunication, d’observation ou de navigation. Elle confirme aussi la valeur de l’effort entrepris par l’Europe (et singulièrement par la France) dans la constitution d’une capacité de lancement indépendante.
Ce qui est nouveau, c’est que les paroles prononcées par des dirigeants de la planète, et non des moindres, convainquent ceux qui en douteraient que ces moyens spatiaux sont vulné- rables et que vulnérabilité signifie danger et menace. Cette vulnérabilité offre en même temps à nos adversaires potentiels une possibilité d’action voire de domination (Chine et États Unis en particulier).
Notre puissance spatiale est donc à la fois plus cruciale et plus contestée que jamais. Elle est d’autant plus contestée que l’espace se démocratise, devient beaucoup moins cher et n’est plus l’apanage des États ; il se privatise. C’est ce qu’on appelle aux États-Unis le NewSpace.
Pour ceux, enfin, que les paroles ne suffiraient pas à convaincre, la destruction de plusieurs satellites par leurs propriétaires eux-mêmes est une manière on ne peut plus claire de joindre le geste à la parole, et ceci au prix de la mise sur orbite de débris dont la communauté spatiale se serait bien passée (Annexe 1). L’éventuelle guerre dans l’espace serait d’ailleurs, elle aussi, éven- tuellement génératrice de nombreux débris qui empêcheraient l’utilisation de l’espace par tous.
Cette éventualité de voir l’espace devenir, après la terre, la mer, les profondeurs sous-ma- rines, l’espace atmosphérique, l’espace radioélectrique et « l’espace cyber », un nouveau champ de bataille a conduit le gouvernement français, après le gouvernement américain et les gou- vernements russe, chinois et japonais à créer un « Commandement de l’espace » au sein de l’armée de l’air2.
À une autre échelle, une arsenalisation de l’espace, non traitée ici, se place aussi dans le contexte de la défense globale de la planète Terre contre les météorites et la protection contre les événements climatiques exceptionnels.
Tous ces éléments justifiaient qu’un groupe de réflexion lancé par l’Association des auditeurs et cadres de la session Armement et économie de défense de l’Institut des hautes études de défense nationale-3AED/IHEDN se préoccupe de l’extension à un nouveau milieu des conflits entre États, et des armements en cause, cette réflexion actualisant une autre antérieure de 2010.